02 janvier 2013

La repentance fiscale en Suisse

Les tribunes EFI sur la Suisse

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Le 1er janvier 2010 a marqué l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la simplification du rappel d'impôt en cas de succession et sur l'introduction de la dénonciation spontanée non punissable. Cette nouvelle loi est valable pour l'impôt fédéral direct et pour les impôts cantonaux et communaux. Elle porte sur deux volets, les successions et les soustractions d'impôt.

S'agissant des successions, en principe lorsque l'autorité fiscale découvre des éléments de revenu et de fortune non déclarés par le défunt, elle notifie les suppléments d'impôts sur les dix dernières années. Afin d'encourager les dénonciations spontanées, la nouvelle loi prévoit des allègements importants par rapport aux dispositions légales antérieures. En effet, à certaines conditions prévues dans la loi, si les héritiers annoncent spontanément les éléments non déclarés du défunt, l'autorité fiscale notifie les suppléments d'impôts seulement sur les trois dernières années.

 

La dénonciation spontanée offre une porte de sortie

Par Roland Etienne* le temps du 24 février 2014

 

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Depuis le 1er janvier 2010, des lois permettent aux contribuables suisses de régulariser leur situation fiscale tout en évitant des amendes ou des poursuites pénales. Ces dispositions, sur les dénonciations spontanées non punissables, couvrent à la fois les impôts sur le revenu et la fortune, aux niveaux communal, cantonal et fédéral, à l’exclusion toutefois de la sécurité sociale (AVS, etc.).

loi fédérale sur la déclaration spontanée non punissable  

Le communiqué de Berne   

La lettre circulaire du 5 janvier 2010
du département fédéral des finances

sur la "Dénonciation spontanée non punissable "


 

Amnistie fiscale en Suisse  

Amnistie fiscale au Royaume Uni

 

Amnistie fiscale en Italie

 

Les premiers résultats en Italie

 

Inédit / La Suisse ne connait pas le montant de ses  placements non déclarés offshore

 

 

 

Pour la France : un approche similaire,la régularisation  spontanée en cours de controle

Instruction fiscale du 23 mars 2005, BOI n° 13 L-1-05

 

Historique des amnisties fiscales en Suisse 

 

 

9.1. Nouvelle amnistie fiscale

9.2. Amnistie des héritiers

 

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A compter du 1er janvier 2010, la Suisse va instituer une amnistie fiscale partielle applicable tant au niveau des impôts sur le revenu et la fortune des personnes physiques qu’au niveau de l’impôt sur le bénéfice et du capital des personnes morales.

 

Cette amnistie comporte de fait deux volets.

 

Il s’agit en premier lieu de simplifier le rappel d’impôt en cas de succession. Lorsque le défunt a soustrait en matière d’impôt sur le revenu et de la fortune, les héritiers doivent être incités à régulariser la situation en déclarant les éléments de fortune et leurs rendements soustraits qui leur échoient suite à la dévolution dans le cadre de la succession. C’est pourquoi le législateur a décidé de réduire la période de rappel d’impôt – qui est de dix ans en l’état actuel – à trois ans. Cette réduction substantielle constitue une modification appréciable.

 

En second lieu, le législateur a adopté un nouveau dispositif rendant la dénonciation spontanée non punissable tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Désormais, le contribuable – dans un esprit de repentir sincère – qui se dénonce spontanément n’encourt plus d’amende comme c’est actuellement le cas.

 

Compte tenu de l’importance de ces nouvelles mesures, nous nous proposons de revenir plus en détail sur ces dispositions qui appellent quelques commentaires.

 

 

I.     Situation actuelle

 

1.     Principes

 

En l’état actuel du droit fiscal suisse, si la taxation n’a pas été effectuée (alors qu’elle aurait dû l’être) ou qu’une taxation entrée en force est incomplète, l’autorité fiscale procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été prélevé lors de la procédure ordinaire de taxation. Par ailleurs, des intérêts moratoires sont perçus en sus des dettes fiscales. Ce traitement s’applique aussi bien en matière d’impôt fédéral direct sur le revenu[1] qu’en matière d’impôt cantonal et communal sur le revenu et la fortune. Selon les lois fiscales en vigueur, le droit d’ouvrir une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée (alors qu’elle aurait dû l’être) ou pour laquelle la taxation entrée en force est incomplète. Force est de constater que la période de prescription est extrêmement longue. Par ce biais, l’autorité fiscale rétablit la situation qui aurait dû prévaloir en l’absence de soustraction.

 

La procédure de rappel d’impôt incluant la perception d’intérêts moratoires s’accompagne bien évidemment d’une sanction pénale. En droit fiscal suisse, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle devrait l’être ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète est puni d’une amende. En règle générale, l’amende est égale à l’impôt soustrait, mais elle peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ou être triplée en fonction de la gravité de la faute.

 

A titre d’exemple, si le contribuable soustrait intentionnellement un montant de CHF 10'000, l’autorité fiscale qui en aurait connaissance prononcerait une décision de rappel d’impôts portant sur un montant de CHF 10'000, comptabiliserait des intérêts moratoires (de 4% en 2009) et infligerait une amende de CHF 10'000. Ce traitement serait applicable à toutes les périodes fiscales concernées par la soustraction sans aller au-delà des dix années précédents la période fiscale en cours.

 

1.     En cas de succession

 

Les héritiers d’un contribuable lui succèdent dans ses droits et ses obligations. Ils se substituent donc au défunt dans la procédure si la taxation de l’impôt n’est pas encore entrée en force. Si la taxation est déjà entrée en force au moment du décès du contribuable, les héritiers deviennent les débiteurs de l’impôt. En principe, ils répondent solidairement des impôts dus par le défunt jusqu’à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d’hoirie. Le conjoint survivant qui reçoit, du fait de son régime matrimonial, une part du bénéfice ou de la communauté supérieure à sa part légale selon le droit suisse répond en outre de l’impôt jusqu’à concurrence de cette part supplémentaire.

 

Une procédure en rappel d’impôt qui n’est pas encore introduite ou qui n’est pas encore terminée au décès du contribuable peut être ouverte ou continuée contre les héritiers. Comme mentionné plus haut, la période de prescription de la procédure de rappel d’impôt est de dix ans.

 

En revanche, les héritiers ne peuvent pas être tenus pour responsables des amendes infligées ou qui auraient dû être infligées au défunt selon une célèbre jurisprudence de la de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ayant impliqué la Suisse[2]. Ainsi, tant les amendes prononcées que celles qui auraient dû l’être du vivant du défunt sont abandonnées. Il est désormais admis qu’il n’est pas possible d’hériter de la culpabilité du défunt, y compris en droit pénal fiscal. C’est pourquoi toutes les dispositions légales qui culpabilisaient les héritiers ont été abrogées par le législateur.

 

Ainsi, dans l’exemple proposé plus haut, les héritiers qui souhaiteraient régulariser la situation serait tenu de s’acquitter du rappel d’impôts de CHF 10'000 et des intérêts moratoires. En revanche, les amendes déjà prononcées (si l’enquête avait déjà eu lieu du vivant du défunt) et qui auraient dû l’être en temps normal sont abandonnées.

 

2.    En cas de dénonciation spontanée

 

Le droit en vigueur favorise déjà les contribuables désireux de régulariser de manière spontanée leur situation auprès des autorités fiscales. Si le contribuable dénonce spontanément la soustraction d’impôt avant que les autorités en aient connaissance, le rappel d’impôt est calculé et perçu normalement (ainsi que les intérêts moratoires), mais l’amende est réduite à un cinquième de l’impôt soustrait. En d’autres termes, la loi accorde au contribuable saisi de repentir sincère une diminution de 80% de l’amende qui aurait été normalement perçue.

 

Dans l’exemple précité, il y aurait toujours une décision de rappel d’impôt de CHF 10'000, mais l’amende serait limitée à CHF 2'000 en cas de dénonciation spontanée.

 

 

II. Amnistie fiscale partielle

 

A ce jour, que ce soit en dans les cas de succession ou de dénonciation spontanée, les contribuables sont peu encouragés à régulariser leur situation fiscale. Le coût d’une telle opération est bien souvent rédhibitoire. Le législateur se devait de trouver un moyen d’inciter les contribuables ou héritiers à passer à l’acte. Il y a lieu de souligner que les mesures qui seront décrites plus base ne sont pas limitées dans le temps.

 

1.     Rappel d’impôt simplifié en cas de succession

 

Comme esquissé plus haut, il n’y a pas en l’état actuel de règles particulières régissant le rappel d’impôt en cas de soustraction d’impôt commise par le défunt. Le rappel d’impôt et les intérêts moratoires (mais non les amendes qui ne sont plus dues) peuvent être recouvrés jusqu’à dix ans avant le décès du contribuable.

 

La nouvelle loi prévoit désormais que le rappel d’impôt et les intérêts moratoires seront limités aux trois périodes fiscales précédant l’année du décès du contribuable. Cette règle s’appliquera aussi bien à l’impôt fédéral direct qu’aux impôts cantonaux et communaux. Outre l’aspect incitatif évident, cette réduction se justifie par le fait, d’une part, qu’il est souvent difficile de retrouver les informations parfois très anciennes et, d’autre part, que les autorités fiscales pourront mettre à jour davantage de patrimoine avec l’aides des héritiers.

 

Selon les termes du nouveau dispositif légal, le rappel d’impôt simplifié sur les éléments de la fortune et du revenu soustraits par le défunt est accordé à tout héritier, indépendamment des autres héritiers, à condition:

(1)  qu’aucune autorité fiscale n’ait connaissance de la soustraction d’impôt;

(2) qu’il aide sans réserve l’administration à déterminer les éléments de la fortune et du revenu soustraits, et

(3) qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû.

 

Moyennant la réalisation de ces conditions, le rappel d’impôt est calculé sur les trois périodes fiscales précédant l’année du décès conformément aux prescriptions de la taxation ordinaire et perçu avec les intérêts moratoires. A noter que l’exécuteur testamentaire ou l’administrateur de la succession peuvent également demander le rappel d’impôt simplifié, même sans l’accord des héritiers. On rappelle que les amendes ne sont pas dues dans tous les cas.

 

Certains aspects ne manqueront pas de susciter quelques questions. On constate qu’un héritier peut solliciter le rappel d’impôt simplifié en cas de succession indépendamment des autres héritiers de la communauté héréditaire. Qu’adviendra-t-il si l’un des héritiers souhaitent régulariser les éléments imposables qui ont été soustraits et non les autres membres de l’hoirie ? Ces deniers perdent-ils le bénéfice du rappel d’impôt simplifié au motif que la première condition n’est plus réalisée, soit le fait « qu’aucune autorité fiscale n’ait connaissance de la soustraction d’impôt » ? Par ailleurs, la nomination d’un exécuteur testamentaire, en présence d’un patrimoine distrait, pourra générer des situations épineuses si ce dernier souhaite régulariser de sa propre initiative la situation fiscale du défunt. Nul doute que les autorités fiscales sauront trouver des solutions pragmatiques.

 

 

2.    Dénonciation spontanée non punissable

 

Comme expliqué plus haut, lorsqu’un contribuable dénonce spontanément une soustraction d’impôt avant que les autorités fiscales en aient connaissance, l’amende est réduite actuellement à un cinquième de l’impôt soustrait.

 

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi au 1er janvier 2010, le contribuable sera désormais exempté de toute peine en cas de dénonciation spontanée. La dénonciation spontanée non punissable doit être possible aussi bien pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Le contribuable ne devra pas payer une amende, mais uniquement le rappel d’impôt ordinaire (pour dix ans au plus) comprenant également la perception des intérêts moratoires. Les personnes physiques et morales ne pourront bénéficier d’une dénonciation spontanée non punissable qu’une fois au cours de leur existence à partir de l’entrée en vigueur de la présente loi. En effet, dans la conception du législateur, la dénonciation spontanée non punissable doit être conçue comme la récompense du repentir actif.

 

Lorsque le contribuable dénonce spontanément pour la première fois une soustraction d’impôt, il est renoncé à la poursuite pénale, à condition:

(1)  qu’aucune autorité fiscale n’ait connaissance de la soustraction d’impôt;

(2) qu’il aide sans réserve l’administration à déterminer le montant du rappel d’impôt, et

(3) qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû.

 

Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l’amende est réduite au cinquième de l’impôt soustrait comme le prévoit le droit actuel.

 

La dénonciation spontanée non punissable s’appliquera tant à l’auteur, qu’au complice, l’instigateur ou à l’autre participant si les conditions sont réalisées. Toutefois, il convient de relever que le dépôt d’une dénonciation spontanée par un participant empêche une dénonciation spontanée ultérieure de l’auteur de la soustraction car, à ce moment, les autorités fiscales auraient déjà connaissance de la soustraction. Il en va de même si un participant veut déposer une dénonciation spontanée après l’auteur de la soustraction. Si l’auteur de la soustraction et les participants veulent bénéficier de l’exemption de la peine, ils doivent déposer leur dénonciation spontanée en même temps.

 

La dénonciation spontanée non punissable s’applique aux mêmes conditions aux personnes morales. Ceci étant, elle pose des problèmes spécifiques qui sont relativement complexes. Une personne morale peut en effet subir divers changements au cours de son existence, qui sont potentiellement illimités. Elle peut par exemple modifier sa raison sociale ou sa forme juridique, transférer son siège statutaire d’un canton à un autre, se scinder ou fusionner avec une autre personne morale. La nouvelle loi tient compte de ces spécificités. Par ailleurs, les organes ou les représentants qui déposeront la dénonciation spontanée pour la personne morale seront désormais déliés de la responsabilité solidaire et resteront à l’abri d’une procédure pénale.

 

 

III.          Conclusion

 

De manière générale, on ne peut qu’approuver ce nouveau dispositif légal qui devrait permettre de réintégrer des patrimoines distraits. Même si certaines conditions d’application seront relativement problématiques, cette amnistie marque – après de longues tergiversations – la volonté du législateur de donner une chance au contribuable de régulariser sa situation fiscale.

 

Toutefois, sans vouloir préjuger de l’efficacité des différentes mesures, on peut regretter que la dénonciation spontanée non punissable n’ait pas été plus généreuse s’agissant de la période de prescription. On comprend le législateur de ne pas vouloir favoriser les contribuables peu scrupuleux. Cependant, force est de relever que 80% à 90% du coût de la régularisation – en cas de dénonciation spontanée – est composé des impôts rappelés et des intérêts moratoires. On peut dès lors émettre quelques réserves sur le succès de cette mesure.

 

S’agissant du rappel d’impôt simplifié en cas de succession, la réduction octroyée par le législateur est substantielle. C’est pourquoi cette mesure devrait rencontrer un franc succès. Les héritiers en position de régularisation devraient procéder à un examen attentif de la mesure d’incitation (coût, modalités de paiement, etc.) et prendre une décision commune. L’appui d’un conseil ne pourra être que bénéfique en pareilles circonstances

 

 

*******

 

 



[1] Pour mémoire, on rappelle qu’il n’existe pas d’impôt sur la fortune en matière d’impôt fédéral direct, celui-ci ayant été aboli en 1959.

[2] Jugement du 29 août 1997 dans la cause A., M.P. et T.P contre la Suisse.

Commentaires

Depuis le 1er janvier 2010, des lois permettent aux contribuables suisses de régulariser leur situation fiscale tout en évitant des amendes ou des poursuites pénales. Ces dispositions, sur les dénonciations spontanées non punissables, couvrent à la fois les impôts sur le revenu et la fortune, aux niveaux communal, cantonal et fédéral, à l’exclusion toutefois de la sécurité sociale (AVS, etc.).

Écrit par : Mise a jour | 23 février 2014

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