07 janvier 2018
Assistance administrative fiscale : les règles CJUE aff Berlioz 16.05.17
La CJUE réaffirme l'importance d'un recours effectif offert aux administrés tout en préconisant son encadrement,
commente Marie Marty, juriste chez Lutgen&Associés.
La SAS française COFIMA, filiale de la SA luxembourgeoise Berlioz Investment Fund SA, ci-après « Berlioz », lui distribue des dividendes exonérés de retenue à la source. L’administration fiscale française, ayant des doutes sur les conditions d’exonération, demande des informations concernant Berlioz.
la jurisprudence luxembourgeoise
Luxembourg//la pratique de l’échange de renseignement
Où trouver la jurisprudence administrative luxembourgeoise sur l assistance fiscale
Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale
BOFIP du 23/02/2017 sur le Luxembourg
Sur le secret de la preuve en fiscalité internationale? CEDH 11.10.12
Le droit de pouvoir contester les preuves est un droit fondamental
L’administration fiscale luxembourgeoise enjoint donc Berlioz de fournir ces informations conformément à la Directive 2011/16 sur la coopération administrative en matière fiscale), ce que cette dernière refuse partiellement en avançant que les informations non fournies ne sont « vraisemblablement pas pertinentes » pour le contrôle de l’administration française. L’administration fiscale Luxembourgeoise sanctionne ce refus de communication de Berlioz et la condamne au versement d’une amende administrative de 250 000 EUR.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 16 mai 2017
Berlioz Investment Fund SA contre Directeur de l'administration des contributions directes
la CJUE avait alors été saisie par la Cour administrative luxembourgeoise Résumé à l’extrême, il était demandé à la CJUE de se prononcer sur la conformité de la mise en œuvre, par les autorités luxembourgeoises, de la procédure d’entraide en matière fiscale, à la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Les réponses qu’elle donne sont riches d’enseignement.
COMMENTAIRES de Marie Marty, juriste chez Lutgen&Associés.
- La sanction administrative nationale doit respecter la Charte. 2
- La décision d’injonction nationale doit pouvoir être contestée devant une juridiction indépendante. 2
- Le juge de l’État requis peut opérer un contrôle substantiel restreint de la demande d’information. 2
- L’administré a droit à des informations MAIS limitées. 3
La directive l’article du L114A du LPF
SECTION I
Échange d’informations sur demande
Article 5Procédure régissant l’échange d’informations sur demande
À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique à l’autorité requérante les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives.
Article 6
Enquêtes administratives
- L’autorité requise fait effectuer toute enquête administrative nécessaire à l’obtention des informations visées à l’article 5.
- La demande visée à l’article 5 peut comprendre une demande motivée portant sur une enquête administrative précise. Si l’autorité requise estime qu’aucune enquête administrative n’est nécessaire, elle informe immédiatement l’autorité requérante des raisons sur lesquelles elle se fonde.
- Pour obtenir les informations demandées ou pour procéder à l’enquête administrative demandée, l’autorité requise suit les mêmes procédures que si elle agissait de sa propre initiative ou à la demande d’une autre autorité de son propre État membre.
- Lorsque l’autorité requérante le demande expressément, l’autorité requise communique les documents originaux pour autant que les dispositions en vigueur dans l’État membre de l’autorité requise ne s’y opposent pas.
La sanction pécuniaire, bien que reposant sur une disposition nationale, permet d’assurer l’effectivité et la bonne application de la directive 2011/16/UE. Elle participe à la mise en œuvre le droit de l’Union et doit donc respecter les droits proclamés par la Charte.
Ce rappel salutaire, dans la lignée de la jurisprudence Fransson Akerberg, est d’importance considérable, tant les juridictions nationales ont tendance à oublier à quel point l’emprise du droit de l’UE est tentaculaire (pour une décision illustrant cette critique, v. CA, 15 juil. 2015, Pas. 37, p. 585).
Selon la CJUE, la protection contre les interventions de la puissance publique dans la sphère privée d’une personne physique ou morale qui seraient arbitraires ou disproportionnées peut être invoquée par un administré, contre un acte lui faisant grief. Sans aucune ambiguïté, elle estime que font grief à l’administré non seulement la sanction administrative, mais aussi l’injonction de transmettre des informations, ouvrant ainsi le droit à un recours effectif.
C’est une consécration sans appel du droit à contester, devant une juridiction indépendante, la légalité de l’injonction de fournir des informations à l’administration fiscale, mais aussi un sérieux tacle pour le législateur national qui avait, par la loi du 25 novembre 2014, décidé de supprimer le recours contre l’injonction dans le cadre de l’entraide administrative en matière fiscale.
La directive permet l’échange d’informations vraisemblablement pertinentes. La pertinence est appréciée par l’autorité requérante, qui a, contrairement à l’autorité requise, une parfaite maitrise et connaissance de l’ensemble des éléments du dossier fiscal.
Cependant, la directive ne permet pas aux autorités nationales d’aller à «la pêche aux informations» auprès des administrations étrangères, ni d’effectuer des recherches tous azimuts ou demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale du contribuable donné.
C’est en tenant compte de ces exigences que la Cour consacre pour l’autorité requise le droit d’exercer un contrôle substantiel restreint de la régularité de la demande d’informations, et non pas seulement sommaire et formel, portant sur la pertinence vraisemblable des informations.
Cette approche mesurée et équilibrée a le mérite de préserver la pierre angulaire de toute coopération entre les États membres de l’UE, à savoir la confiance, tout en laissant au juge national la possibilité de refuser d’exécuter une demande d’entraide qui constituerait manifestement une pêche aux informations.
4. L’administré a droit à des informations MAIS limitées
Alors que la Cour consacre la transmission de la demande d’informations au juge exerçant un contrôle de légalité de l’injonction, les informations auxquelles l’administré a accès sont plus limitées. Un équilibre entre le respect du droit à une procédure équitable et à l’égalité des armes, et le secret de l’enquête, doit être trouvé.
L’administré, estime la Cour, n’a pas besoin de la demande d’information complète pour contester efficacement une violation de ses droits, il doit uniquement avoir accès à une information minimale, «à savoir l’identité du contribuable concerné et la finalité fiscale des informations demandées» (§100). Ce point est, avouons-le, décevant, bien que le juge européen précise qu’un partage plus étendu puisse intervenir à l’initiative du juge national.
Pour conclure, au vu de cette décision remarquable, il ne nous reste plus qu’à souhaiter bon courage aux juridictions administratives, qui vont vraisemblablement devoir accueillir, dès à présent, de nombreux recours en matière d’entraide administrative fiscale.
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